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Chaponnière & Firmenich SA
Auction 12  18 Oct 2020
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Lot 296

Starting price: 7500 CHF
Price realized: 7500 CHF
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FRANCE. Royaume. Louis XIII, 1610-1643. Ecu d'or au soleil, type spécial, 1628 N, Nîmes. Av. LVDOVICVS XIII D G FRAN ET NAVA REX. Ecu couronné. Rv. CHRISTVS REGNAT VINCIT ET IMPE 1628. Croix anillée fleurdelisée. Gad. 55; Dr. 1H; Fr. -; BSFN Juin 2019, R. Wack p. 199-200 AU. 3.26 g. 4 ex. connus. TB trace de pli
Extrêmement rare et d'un grand intérêt historique.//La huitième et dernière des guerres de religion se termine en 1598 avec la signature de l'Edit de Nantes qui garantit aux protestants français une liberté, certes réduite, de vivre leur foi dans leur pays. Dans le prolongement de l'assassinat de Henri IV, le gouvernement de Louis XIII et l'Eglise catholique romaine organisent une répression bientôt systématique en vue de l'élimination des huguenots. Subissant une véritable persécution, ceux-ci tentent de se défendre, menés par Henri II de Rohan, entre 1621 et 1629.
Les affrontements se concentrent autour de La Rochelle et dans le sud du pays. Le duc de Rohan défend Montauban en 1621, puis reprend Montpellier qu'il confie au connétable de Lesdiguières. En tant que « chef et général des églises réformées du royaume ès province de Languedoc et haute Guienne et gouverneur de Montpellier », il mène des combats désespérés contre les armées du roi, et sera définitivement battu en 1629, à Privas. La paix d'Alès signifie la fin de la résistance armée des protestants français qui subissent dès lors un véritable génocide consacré par la Révocation de l'Edit de Nantes en 1685, sous Louis XIV.1
Pendant cette guerre, le duc de Rohan doit trouver un financement pour ses troupes. Il rouvre alors l'atelier monétaire de Montpellier où il frappe des écus d'or, des douzains de billon et des doubles tournois de cuivre, au nom de Louis XIII. Lorsqu'il doit se replier sur Nîmes, il déplace cet atelier monétaire pour continuer à frapper ces monnaies, toujours au différent de l'atelier montpelliérain, la lettre « N ». Bien entendu, le monarque considère ces monnaies comme illégales : elles sont baptisées « Rouanës », du nom de leur commanditaire.
Comme l'atelier de Montpellier était devenu inactif depuis la fin du règne d'Henri IV, ces monnaies au nom de Louis XIII se trahissent d'elles-mêmes aussitôt qu'elles sont découvertes. Certes, l'administration royale ordonne la saisie du matériel monétaire et inquiète le malheureux fermier de l'atelier montpelliérain. Mais cette mesure n'intimide visiblement pas le chef militaire de la résistance huguenote à poursuivre cette activité à Nîmes. D'autant plus que chaque pièce marquée du « N » au nom du souverain mettait en cause la légitimité de la persécution inique menée au nom même de Louis XIII...
Il ne faut donc pas s'étonner si ces pièces contestataires ont fait l'objet, elles aussi, d'une persécution, cette fois monétaire. Dans une récente étude2, il apparaît qu'aucun exemplaire frappé à Montpellier n'est attesté pour les années 1621 et 1622; pour l'atelier de Nîmes, seuls quatre exemplaires pour 1628 (dont le nôtre) et deux pour 1629 ont survécu au massacre...
Cet écu d'or est un spécimen rarissime, symbole d'une résistance désespérée, témoin du lien étroit entre la numismatique, l'économie, la politique et la liberté de religion. Il recèle donc tous les ingrédients d'une monnaie digne de figurer dans une collection éclectique et raffinée.

1 Rare exception parmi les Grands du royaume, le duc de Rohan doit s'exiler ayant conservé sa foi. Jusqu'à ses derniers jours, il déploiera ses talents militaires à la défense du protestantisme, au service de princes non français. Reconnaissants, les Genevois installeront son tombeau au sien de la « cathédrale » Saint-Pierre, privilège unique.
2 WACK René, « Les monnaies illégales des protestants du Languedoc sous Louis XIII », Bulletin de la Société Française de Numismatique, juin 2019, pp. 197-204.
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